Interview Alexandre Jardin

Écrivain, réalisateur et militant associatif, Alexandre Jardin a réussi au travers de ses créations associatives (Lire et faire Lire et Bleu Blanc Zèbre) à agir dans la société par des actions de terrain pérennes et à fédérer des citoyens ordinaires.

« Faire nous-mêmes ce qu’il est possible de faire tout de suite, c’est bien le minimum ! Chaque Zèbre est donc une part de la solution. »

Pouvez-témoigner de ce qui vous a amené à créer ces associations ?

J’ai longtemps porté un masque de romancier. Je corrigeais le réel par écrit au lieu de le remanier. Je restais au bord de moi, avachi dans une vie d’écrivain. Nous avons co-fondé Lire et Faire Lire, en 1999 avec mon amiPascal Guénée. L’idée directrice ? Mettre en place une pratique concrète, à la portée immédiate des citoyens, plutôt qu’une politique fumeuse sans effet bénéfique tangible pour nos communes. Nous avons invité les retraités fous de lecture à venir transmettre leur passion dans les écoles maternelles et primaires du pays. Ce modèle ne venait ni de nous ni d’une docte commission mais du très modeste Office des Retraités de Brest qui avait déjà éprouvé l’efficacité de cette pratique intergénérationnelle sur le terrain.

Ces Bretons-là savaient d’expérience qu’en inoculant aux enfants le virus de la lecture on les vaccine contre l’échec scolaire - donc contre l’exclusion sociale et le cruel bannissement du marché du travail. On lutte également, par la même occasion, contre la violence juvénile en enrichissant le lexique de nos futurs adolescents ; car, répétons-le, les jeunes privés de vocabulaire se serviront presque automatiquement de leurs poings. Tout en incluant allègrement les anciens dans la vie de la commune ou du quartier !

Au début, on nous ricana au nez, nous prédisant un échec probable. Quinze ans de militantisme plus tard, seize mille bénévoles lecteurs font lire chaque année quatre-cents mille enfants dans nos cents départements. A chaque fois c’est le besoin d’agir qui a porté.

Bleu Blanc Zèbre est une plate-forme d'actions au service des citoyens qui proposent les solutions de faizeux comme vous les appelez, pouvez-vous nous en citer des incontournables par domaines (santé-alimentation, environnement, éducation, logement, emploi, accès de vie...)

bleublanczebre.fr rassemble des solutions pragmatiques pour la population. Comme un gouvernement, nous traitons de l’ensemble des difficultés qui désespèrent notre peuple : pouvoir d’achat, retour à l’emploi, question alimentaire, échec scolaire, logement, exclusion bancaire, mutuelles de santé trop chères, création d’activité économique, croissance, formation, financement des projets, etc.

Sur chacun de ces sujets, nous proposons aux Français d’agir là où ils vivent plutôt que de tout attendre d’un gouvernement miracle. Faire nous-mêmes ce qu’il est possible de faire tout de suite, c’est bien le minimum! Chaque Zèbre est donc une part de la solution. Chacun propose aux citoyens de s’impliquer dans son action : en une minute, une heure ou un jour - selon le temps disponible. Les Zèbres ne promettent rien, ils font avec la population et non à sa place.

Quelques exemples :

Agence du Don en Nature.

ADN, fondé par Stéphanie Goujon, redistribue les produits non alimentaires (fin de stock, souffrant d’un emballage écorné, etc… aux plus démunis. ADN collecte dans la grande distribution ou auprès des marques pour redispatcher vers le monde associatif. ADN s’appuie sur le tissu associatif local : 500 associations à ce jour et 500.000 produits collectés redistribués par semaine.

http://www.adnfrance.org

Zup de Co.

Les étudiants ont l’avantage de la proximité d’âge avec les élèves de collège ou de lycée et sont engagés dans un parcours de réussite qui peut servir d’exemple. 2h par semaine, un étudiant de grande école ou d’université accompagne individuellement un collégien, de la 6ème à la 3ème qui est en difficulté en français et en mathématiques pour lui permettre de renouer avec l’école et d’obtenir son brevet des collèges.

http://www.zupdeco.org

Lire c’est partir.

Vincent Safrat a créé une maison d’édition qui vend chaque année 2,5 millions de livres pour enfants à 80 centimes en dehors du marché du livre traditionnel, là où le livre ne se vend pas. Il édite, distribue et vend en direct, ce qui rend possible ce prix très réduit.

http://www.lirecestpartir.fr

Le #conseil du coin.

Les notaires vont dispenser des conseils juridiques gratuitement dans les cafés populaires tous les premiers samedis du mois pour rapprocher les Français du droit. Plus de 500 villes en France organisent déjà le #conseilducoin tous les mois. http://www.conseilducoin.fr

Café Contact de l'Emploi.

Le principe du Café Contact de l’Emploi® est simple : permettre aux candidats de rencontrer, dans un lieu public, convivial et de manière informelle, des entreprises qui recrutent réellement. Chacun des participants peut ainsi accéder à des entretiens d’embauche spontanés pour que prime la relation sur le CV. Créée en 2006, l’association a organisé à ce jour, 177 Café Contact de l'Emploi, 4 en préparation.http://wwwcafecontactemploi.fr

Vous employez souvent les mots joyeux, vrai, agir, faire, solutions, fabriquer, réparer, actions... Diriez vous que vous êtes dans une quête d'innovation permanente du schéma sociétal français ? Est ce pour cela que vous vous intéressez aux entrepreneurs ?

Les Faizeux ne sont pas seulement des militants associatifs, des entrepreneurs - de l’économie sociale et solidaire, collaborative ou classique -, mais aussi des fonctionnaires qui agissent, des étudiants actifs, des retraités suractifs, des enseignants tenaces, des maires obstinés, des agriculteurs, des employés, des cadres, des commerçants, des salariés, des indépendants ou encore des parents qui ne lâchent rien.

Pour engager la vaste, longue et ambitieuse réforme de la France, il suffit… de le FAIRE en mobilisant ces innombrables Faizeux, de parier sur l’alliance fraternelle entre les générations et sur l’invraisemblable talent des volontaires ; et - j’insiste - de ne pas vouloir traiter un problème majeur sans impliquer directement la population. Les pratiques novatrices ne viendront plus des limbes des hautes sphères, il faut donc que la France fasse renaître sa joie par le bas. Parce qu’il n’est aucune réussite humaine où la joie n’entre de quelque côté, aucun projet chargé de sens qui n’en dépende absolument.

Pensez-vous que l'importance des actions de la société civile va en grandissant dans le monde et qu'indéniablement les pouvoirs en place devront compter avec elle ? Alors les zèbres, association apolitique, sera-t-elle candidate en 2017 ? Ou « la primaire des Français suffira »?

J’aimerais qu’avec vos confrères journalistes, bientôt les journalistes plus personne ne demande aux candidats « que promettez-vous ? » mais « qu’avez-vous personnellement fait pour servir la communauté ? », « avez-vous créé des emplois par votre action propre, alphabétisé des gens, remis en selle des chômeurs largués, permis la réussite d’un gamin ? ».

Et si nous exigions de nos élus qu’ils rédigent une note publique sur leur légitimité personnelle - et non partisane - à briguer tel ou tel poste ou mandat ; une note où ils déclareraient non ce qu’ils ont pensé et cru benoîtement mais ce qu’ils ont réalisé dans leur vie personnelle pour autrui ; une note qui répondrait à cette question clef toujours éludée dans les interviews : « qu’as-tu fait pour ton pays ? ». Avoir déjà oeuvré soi-même doit devenir source de légitimité dans notre vie publique délabrée !

Le marché de la promesse est mort. Les zèbres n’ont pas vocation à se présenter devant les électeurs au sens littéral. Ils agissent sur le terrain, répondant de manière immédiate et pragmatique aux fractures de la société.

La Primaire des Français http://www.laprimairedesfrancais.fr/ est un sujet distinct. Je me suis engagé dans la réunion des petits partis et des mouvements citoyens, non pas pour briguer un mandat mais pour que les Français aient la possibilité d’encourager un candidat qu’ils jugent apte, pas en raison de sa couleur politique mais parce qu’il agit sur le terrain pour apaiser leurs blessures.

Il s’agira d’un entrepreneur de talent, d’un élu local survolté, d’un militant associatif portant le bien public chevillé au corps. Les Français doivent pouvoir proposer leurs représentants et les choisir par les urnes. Il y a près de 10 millions de Français qui vivent sous le seuil de pauvreté, on ne peut plus accepter qu’ils continuent de nous dire que la politique « est un sujet de professionnels ». Ca suffit. Il faut arrêter de croire en l’homme providentiel qui sauvera la France. Nous sommes le peuple providentiel à qui confier le soin de nos concitoyens.

Que contient l'appel des zèbres et pourquoi le signer ?

Optimistes, nous avons lancé un appel aux citoyens bienveillants, à celles et ceux qui par leur action refusent la fatalité. La France ne peut plus se permettre de tout attendre d’un système sanctionné à chaque élection. Il faut que la confiance revienne. Elle ne se décrétera pas, elle se gagnera par l’action d’intérêt général, dans nos territoires.

Signer l’Appel des Zèbres (sur wesign.it), c’est soutenir l’action d’une nation adulte qui se prend déjà en main sans rien. Signer cet appel, c’est devenir un #BBZ, un Bleu Blanc Zèbre qui agit pour et surtout avec la société, et non à sa place, avant que le pire n’allume les rages françaises.

Signer cet appel, c’est renoncer à désespérer pour devenir acteur d’un nouveau roman national. Signer cet appel, c’est participer à l’immense co-construction de l’avenir du pays avec les Zèbres et les Maires de France. Signer cet appel c’est exiger de ceux qui nous dirigent ou aspirent à nous diriger de nous Laissez-faire, partout où l’action de la société civile est déjà la plus efficace !

Avez-vous un projet de films ou de romans ?

Je finalise actuellement un furieux roman d’amour à paraître en fin d’année chez Grasset. Plus je me fonds dans les souffrances de la France et plus j’ai besoin d’écrire une histoire d’amour hors cadre, hors norme.

Un Mot pour la fin, une citation et quelque chose à ajouter que vous trouvez essentiel.

« Si tu veux connaître quelqu’un, n’écoute pas ce qu’il dit, mais regarde ce qu’il fait » Dalaï-Lama