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Interview Nicolas Sadirac


Qu'est-ce que « 42 » et qui l'a créée ?

Nous sommes 4 créateurs fondateurs : Xavier Niel, Florian Bucher, Kwame Yamgnane et moi-même. « 42 » a été créée en 2013 à partir de fonds de Xavier Niel. C'est une initiative qui a pour but de former des informaticiens. En France, on a un déficit important d'informaticiens.

Avez-vous un chiffre à donner par rapport au déficit en informaticiens ?

Le dernier que j'ai c'est une étude d'il y a à peu près un an et demi qui porte le chiffre à un déficit de 100 000 informaticiens. Mais on devrait être au dessus.

Sont-ce vos observations de pédagogue qui vous ont amené à créer « 42 » ? ça fait 25 ans que je suis dans l'enseignement de l'informatique, plus par accident que par formation. J'ai été amené à avoir besoin de compétences informatiques. Moi même j'ai appris sur le tas. Assez rapidement, j'ai été amené à avoir besoin de compétences autour de moi. Je me suis mis à enseigner, à former plutôt. Petit à petit ,j'ai pris goût à ça. Donc on a développé petit à petit des méthodes d'enseignements qui sont basés sur des projets ou sur de l'autonomie. On va rendre les étudiants beaucoup plus responsables. Là les étudiants doivent être acteurs, plus que dans la plupart des structures. Puis rapidement on a mis en place un process qui a pour vocation essentiellement de travailler sur des choses concrètes. On s'est rapidement rendu compte que ça developpait le côté créatif et collaboratif des étudiants.

Qu'appelez-vous « choses concrètes », ce qui est en lien avec les entreprises ? Oui, soit en lien avec des entreprises directes ou soit sur des projets, des problématiques réelles, même si elles ne sont pas forcément porté par l'entreprise. Mais des problématiques qui sont des problématiques du moment. Comme par exemple la reconnaissance d'images, de visages qui sont des problématiques réelles. Ce ne sont pas des problématiques théoriques décalées. Une bonne partie de l'enseignement classique va plutôt travailler sur des objets qui sont des objets qui n'ont pas d'utilité propre, qui ne sont pas dans le débat, où il n'y a pas de discussion, où il y a déjà des solutions connues et fermées. Du coup là ce que l'on demande à l'étudiant c'est d'apprendre ces solutions et nous ce que l'on fait c'est mettre nos étudiants face à des situations pour inventer des solutions. Notre point de vue c'est qu'aujourd'hui, l'informatique a besoin de métiers dans le numérique. On a d'abord besoin d'inventeurs d'informaticiens créatifs et innovants collaboratifs plus que d'informaticiens sachant, pour deux raisons. Le secteur est en évolution très importante et c'est l'innovation qui fait la valeur ajoutée, aussi parce qu'il est très récent et finalement il y a assez peu d'acquis. Même si il y a des acquis, je ne dis pas qu'il n'y en a pas. Il y en a quand même quelques uns. Néanmoins la valeur aujourd'hui est essentiellement dans le fonctionnement de la capacité à inventer plus que dans la capacité à reproduire des schémas déjà existants. Qui peut s'inscrire à « 42 » ? Quel niveau scolaire est exigé ? Il n'y a aucune contrainte de diplôme. Par contre il y a une limite d'âge : c'est 18 ans ou le bac ; on en a qui sont plus jeunes que 18 ans mais ils ont le bac. Après 18 ans pas besoin de diplôme et on peut s'inscrire jusqu'à 30 ans. (site : 42.fr) En matière de mixité, avez-vous autant de filles que de garçons ? On est très loin de ça malheureusement. On est autour de 10%, un petit peu au dessus. On va être à 12% cette année. L'an dernier on était à 11%. Vous dites permettre à des élèves hors du système scolaire de rejoindre « 42 » ? On ne regarde pas du tout d'où ils viennent. On a in fine 40% de gens qui n'ont pas le bac. On a pas de traitement particulier pour eux. On ne s'occupe pas de savoir si ils ont le bac ou pas et ça marche. Comment se passe le processus d'inscription ? Ils peuvent s'inscrire directement sur le site 42.fr. Il y a d'abord un processus de sélection en ligne. Dans une première étape qui est en ligne basé sur des tests cognitifs pour vérifier qu'ils ont bien les capacités cérébrales de base dont on a besoin. Ensuite, il y a ce que l'on appelle la piscine qui est une phase de sélection qui se passe dans l'école, où l'on demande de venir 4 semaines. On en reçoit à peu près 3000 pour n'en garder que 1000. Aidez-vous les étudiants dans leur recherche de logement ? On a un service d'aide au logement, on a des partenariats pour ça. On a aussi un accord de prêt avec la société générale qui permet à des étudiants qui n'ont pas les moyens de souscrire à un prêt que nous garantissons. A quels métiers formez-vous ? Nous formons des informaticiens capables d'exercer tous les métiers de l'informaticien. De notre point de vue l'informatique n'est pas un métier c'est un support. Donc ils vont s'adapter à toute forme de métiers autour de l'informatique. Ça peut être des développeurs, des spécialistes réseaux, des directeurs informatiques. Ça peut être tous les métiers de l'informatique. Il y en a vraiment beaucoup et certainement qu'ils vont changer très fortement. Les ¾ des métiers de ce secteur que l'on verra dans 10 ans n'existent pas encore. On forme des gens qui sont avant tout des gens adaptables. Avez-vous de bons résultats et des exemples particuliers ? On en a à peu près dans les 20/25 % qui créent des entreprises. L'école n'a que 3 ans. Les entreprises sont toutes neuves. Les premiers étudiants sont entrain de sortir. Il y en a qui sont sortis un peu avant ; le cursus est adaptable, les étudiants peuvent aller à leur vitesse. Mais foncièrement tout le monde vient de démarrer dans l'industrie. On a 100% d'élèves qui trouvent du travail. On a une bonne partie des étudiants qui ont un travail au moment de sortir. Près de 80% travaillent à temps partiel plus d'un an avant la sortie. On a pas encore 1 Bill Gates ou 1 Steve Jobs...

Le cursus est de 3 ans c'est à dire ? C'est la moyenne. Un temps moyen pour un étudiant, ça va prendre autour de 3 ans. On a pas encore d'étudiants qui a fait 3 ans. Avez-vous des partenariats avec l'étranger ?

On a peu de partenariat avec l'étranger. On a déjà à peu près 7/8% d'étudiants étrangers. Ils viennent naturellement, pas à travers des partenariats. On a quelques partenaires universitaires mais plus dans une logique d'échanges. On vient d'ouvrir 1 « 42 » aux Etats-Unis près de San Francisco. Vous vous définissez plutôt comme formateur qu'enseignant... J'ai mis en place des processus de formation. Enseigner pour moi c'est vraiment donner des cours en classe, transmettre des connaissances. En fin de compte je transmet peu de connaissances. J'ai plutôt tendance à animer des processus éducatifs dans lesquels les gens apprennent. « 42 » faut vraiment voir ça comme une sorte de jeu. A « 42 » il y a 0 profs, pas de cours, pas de salle de cours, pas d'enseignement. C'est un système éducatif mais en aucun cas un système d'enseignement. Vos étudiants en sortent quand même avec des compétences ? Nos étudiants sortent de « 42 » avec de l'agilité, de la confiance en eux et avec une capacité à trouver des solutions. Mais les compétences en informatique c'est quelque chose de très compliqué car ça dur très peu de temps. La seule vraie compétence qu'on peut avoir c'est la capacité de chercher. Finalement dans la réalité tout change tout le temps. Celui qui sait, très vite, il ne sert à rien. Aujourd'hui un informaticien, sa vraie compétence c'est sa capacité à changer ; c'est plus important que ce qu'il fait. A un instant donné, ce qu'il sait peut être utile mais ça devient très vite un handicap. Faut-il se renouveler constamment ? Notre point de vue c'est justement qu'on arrive à un point qu'on ne se renouvelle pas. Il faut arriver à un point où l'on ne fait pas les choses. Mais quand on a besoin, on est capable de trouver, de s'en servir sans les apprendre. Parce que c'est trop long d'apprendre. C'est une gymnastique un peu compliquée. Dans tout ce que vous avez si vous parlez de domaine artistique, c'est ce qu'on trouve assez fréquemment dans le domaine artistique. Si vous vous mettez dans l'innovation c'est encore pire vous êtes par définition dans ce qui est entrain de changer. On innove pas sur ce qui est vieux et en ne vous basant que sur vos compétences passées. Le secteur numérique est-il suffisamment valorisé en France ? Je ne sais pas. Pour moi le numérique n'est pas un secteur. Aujourd'hui il y a un besoin de numérique dans toutes les entreprises. Ce que les gens ont tendance à appeler le secteur numérique finalement c'est plutôt l'e-commerce. Le numérique vous en avez partout, chez Dassault il y en a, chez Airbus...toutes les entreprises ont un processus de transformation numérique.

Ce n'est pas un secteur, c'est comme si je disais « le scientifique ». Le numérique est à la fois un ensemble de méthodes et de techniques mais aussi un mode de fonctionnement et une façon de penser. On associe aussi beaucoup de numérique à l'économie collaborative qui est encore autre chose. Les informaticiens que vous formez ont-ils un profil plus adaptés aux grandes sociétés ou à d'autres ? On forme des informaticiens qui sont créatifs, innovants et collaboratifs. Donc ils vont allés s'insérer dans tous les secteurs où ça fonctionne. Ça veut dire qu'aujourd'hui des grandes entreprises fabriquent des moyens d'accueillir cette typologie de personnes. Parce qu'ils en ont besoin. Dernièrement au laboratoire numérique de la BNP, qui vient de démarrer, l'objet est typiquement d'arriver à intégrer des profils plus collaboratifs plus innovants moins hiérarchique, moins standard à l'intérieur de leur structure. Aujourd'hui les grandes entreprises et toutes les petites entreprises sont entrain de faire ce qu'il faut pour faire ça. Il y en a qui sont comme ça par nature. La plupart des startup sont des entreprises avec une hiérarchie assez plate et un mode de fonctionnement assez ouvert, plus orienté justement vers le collaboratif et le créatif. Parce que le créatif ils en ont besoin c'est ce qui les a créée. Même si d'ailleurs certaines ont des difficultés de transformation dans l'autre sens. C'est à dire qu'elles ont besoin de se structurer un peu plus. Il y en a d'autres qui font le chemin inverse, qui ont besoin d'être plus agile, plus flexible, plus ouverte, qui font un travail dans ce sens. En septembre, j'ai fait un séminaire avec la société générale qui s'appelait très clairement « Plus + collaboratif » ; comment accueillir les nouvelles générations, être plus ouverts. Nos étudiants sont formés pour être innovants et créatifs. Je pense qu'une bonne partie de nos étudiants aujourd'hui ont une vision beaucoup tournée vers des entreprises du style Google, plus moderne. Toutes les entreprises font tout pour accueillir ce type de jeunes, elles en ont besoin. Comment définiriez-vous l'innovation ?

L'innovation est la capacité à inventer de nouveaux usages, des nouveaux processus, des nouveaux objets capables de mieux satisfaire les consommateurs ou d'apporter une solution à une problématique. Quelque part c'est une façon d'inventer de façon efficace. C'est une créativité à service théologique, parce que vous avez la créativité artistique où il n'y a pas forcément de finalité. Là, il y a une finalité qui est soit industrielle soit d'usage. C'est la capacité à inventer de nouveaux objets.

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